La semaine où nous entrons pèsera lourd dans les prochaines années du
Proche-Orient géopolitique – au moins autant que les jours maintenant lointains
de la signature des accords d’Oslo.
Entre le discours prononcé il y a moins d’une huitaine devant le Parlement
européen par le président Peres et l’arrivée imminente du président Obama à
Jérusalem, le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU exige aujourd’hui, 18
mars, de Genève, par la voix d’une mission d’experts, l’« arrêt immédiat
de la colonisation dans les territoires occupés ».
Le drame en cours se lit
maintenant à fleur de peau, et surtout son accélération. À Strasbourg, Shimon Peres a pressé l’Union européenne de livrer
armes et soutien logistique à l’opposition syrienne, plaidant que c’était là le
moyen le plus sûr de contenir l’extension régionale de la guerre civile. À Jérusalem, un Netanyahu fort des
camouflets déjà infligés à la Maison-Blanche
s’apprête à recevoir un Obama affaibli par ses concessions multipliées
ces dernières années à la politique palestinienne d’Israël. À Genève, la diplomatie des Nations unies
interpelle Israël comme du temps de Durban : dans son rapport, la mission
d’expertise, non seulement entonne et bétonne la rhétorique qui ignore
superbement le peu de marge de manœuvre d’Israël face à son hinterland arabe (la formule hypocrite
de « territoires occupés », en vigueur depuis juin 1967, aura rendu
la géopolitique israélienne inintelligible dans le meilleur des cas, et de plus
illégitime a priori), mais encore
parle-t-elle d’un « système de ségrégation total », ajoutant ainsi
une dimension juridique et idéologique au conflit territorial en cours.
On imagine le reste : tandis que les Etats-Unis
renoncent à la présence diplomatique directe ou active (entre autres
raisons : faute d’interlocuteurs fiables du côté palestinien, clivé depuis
la sécession du Hamas), le nouveau gouvernement israélien s’achemine peu à peu,
et de plus en plus vite, vers la construction d’un petit Grand Israël – et s’y
emploie maintenant, fort qu’il est de deux atouts de circonstance : sa
position de première ligne stratégique dans la question du nucléaire iranien,
d’une part, sa position géographique exposée depuis le début de la guerre
syrienne.
L’audace géopolitique à même de réduire le
danger consiste donc à dire l’évidence à haute voix : plus le temps passe,
et moins la « question palestinienne » pèse dans la puissante
métamorphose qui travaille les mondes arabe et musulman – ce qui signifie, in concreto, que même l’instauration
(tout à fait invraisemblable) d’un quelconque État palestinien jouxtant Israël
sur ses flancs méditerranéen et jordanien ne changerait rien, n’aurait rien
changé, ni au conflit arabo-arabe, ni à la conflictualité interconfessionnelle
au sein du monde musulman. Comment exclure, d’ailleurs, que la spectaculaire
assurance du cabinet israélien face à Washington n’ait pas son ressort le plus
puissant dans ce discernement même de la situation locale, régionale et
théologico-politique ? Si tel n’était pas le cas, le discours de Peres à
Strasbourg eût été pour le moins farfelu : donne-t-on des conseils de
sagesse stratégique au Vieux Monde quand soi-même on est menacé de figurer sur
la liste des indésirables de l’humanisme ?
Un seul aspect de cet imbroglio nous échappe, et le
plus décisif : à quoi ressemble l’imaginaire géopolitique du judaïsme
américain ? Soyons studieux, lisons, nous le saurons bientôt.
Jean-Luc Evard, 18 mars 2013
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